Vous souhaitez changer de vie ? Vous vous apprêtez à entamer votre reconversion professionnelle ? Que vous rêviez de devenir un rédacteur web, un développeur d’applications mobile ou un influenceur Instagram, vous avez forcément entendu parler des formations en ligne.
Méfiez-vous, on y trouve de tout. Les rares sérieux sont noyés parmi les indénombrables vendeurs de soupe, joueurs de flûte et autres petits malins ayant flairé le bon filon. Petit tour d’horizon de ce qu’il y a de pire sur le marché.
Avant de rentrer dans le détail, permettez-moi de clarifier les choses. J’ai suivi une formation de rédaction web. Je ne l’ai pas payée, on m’en a partagé l’accès gratuitement. Bien qu’elle ne m’ait pas apporté grand-chose, je suis aujourd’hui rédacteur à mon compte et j’en vis correctement.
Je ne nourris donc pas d’animosité particulière vis-à-vis du charlatan que j’eus à écouter quelques heures. C’est seulement à la suite d’échanges et de partages avec d’autres confrères que je pris conscience de l’ampleur du phénomène. Je n’ai aucun intérêt personnel à mettre en lumière l’incompétence évidente de ces marchands du savoir et je ne vous vendrai pas de formation miracle.
Si j’écris ces lignes, c’est simplement pour éviter que nous continuions à alimenter cette vaste comédie en enrichissant des imposteurs. Et pour finir, sachez que je tairai ici le nom de la formation que j’ai suivie. Toute ressemblance avec des formateurs existants ou ayant existé est purement fortuite.
Comme je vous le disais, le marché de la formation est un joyeux bordel. Un gigantesque souk virtuel où l’on trouve absolument tout. Quel que soit votre secteur d’activité, il existe déjà quelqu’un prêt à vous former, le tout sans bouger de chez vous. Il existe même des cours de natation en ligne.
Le programme est réalisé par d’anciens nageurs de haut-niveau et vous promet d’apprendre à nager le crawl sans effort. Apprendre à nager. En ligne. Ça vous paraît absurde ? Pourtant, il s’en est déjà vendu 2000 de ces formations.
Le saviez-vous ? La très grande majorité des gens qui démarrent une formation de rédaction web savent déjà écrire. En réalité, beaucoup cherchent à se rassurer et à être accompagnés avant de se lancer. Rien d’anormal à ça.
Ce qui est dingue, c’est que certains en profitent pour nous refourguer à prix d’or un petit condensé d’information que n’importe qui pourrait retrouver gratuitement sur la toile. Monsieur Tout-le-Monde s’improvise prof de marketing digital après avoir lu deux bouquins et s’enregistre face caméra.
La formation payante en ligne, c’est un peu comme si YouTube vous demandait de payer l’accès à un tutoriel pour apprendre à cuisiner les crêpes sans gluten. Internet a d’abord offert un lieu d’expression à quiconque se revendique expert dans un domaine, et ce, sans l’ombre d’un contrôle. Voilà maintenant qu’en plus de devoir vérifier toutes les informations qu’on y trouve, on doit en payer l’accès.
Mais alors comment font-ils pour réussir à nous vendre du flan ? La recette est simple. Il suffit d’identifier notre désir. En l’occurrence, changer de vie et nous former à une nouvelle compétence, la rédaction web. Ensuite, on cible nos craintes : ne pas trouver de client, ne pas savoir par où commencer, comment s’organiser, etc.
Puis on nous bricole une jolie page de vente dans laquelle on applique les bons vieux principes marketing habituels. « Vous rêvez de faire ceci, mais vous avez peur de cela, vous avez peut être déjà tout essayé, mais pas ma super méthode de formation, elle est incroyable, ça va changer votre vie, par contre pour en bénéficier, c’est aujourd’hui ou jamais… ». C’est grossier, ça transpire l’embrouille, et pourtant ça fonctionne.
Le script est toujours le même et s’appuie sur les bases de la vente émotionnelle. C’est ce qu’on appelle le copywriting. D’ailleurs, pour ça aussi on trouve de nombreuses formations. « Vous voulez être indépendant ? Vivre la vie dont vous avez toujours rêvé ? Gagner 5000 euros par moi en travaillant 2 h par jour ? … » J’exagère, mais à peine.
On nous jetterait presque au visage une version 2.0 de cet email qu’on a tous reçu une fois « J’ai hérité d’une grosse fortune que je voudrai partager avec vous car vous êtes unique, mais j’ai besoin d’un mandat cash de 800 dollars pour payer le notaire… ».
Et maintenant le clou du spectacle. Comme je vous le disais, ce qui bloque nos chères plumes, c’est surtout la peur de se lancer. Comment trouver ses premiers clients ? À cela, les plus malins ont pensé à une combine des plus lucratives. Souvent, nos formateurs du web ont déjà exercé la profession dont ils vous vendent les mérites.
Fort de leur réseau, ils vous promettent donc de partager avec vous leur portefeuille client. Enfin, ils vont surtout vous refiler les articles qu’ils n’auront, ni le temps, ni l’envie de rédiger. Jusque là, ça semble encore légitime et plutôt bienveillant. Mais voilà le loup. Tout cela se passe en général par le biais d’une plateforme de microservices.
Certaines formations sont même entièrement conçues autour de l’utilisation de ces plateformes : comment s’y inscrire, optimiser son profil, etc. Sauf que la compétition y est rude. S’y bagarrent des francophones des quatre coins du globe et dont les prétentions salariales varient énormément. Il va donc falloir se retrousser les manches, casser ses prix et se faire un nom.
Que dis-je, un pseudo. On réalise alors que dans un premier temps, il va falloir trimer sang et eau pour parfois moins d’un euro de l’heure. Tout ça dans le but de cumuler les avis positifs pour ensuite augmenter progressivement nos tarifs afin d’être un jour payé décemment.
Résumons : on vous incite très fortement à lancer votre activité en proposant vos services sur une plateforme. L’environnement concurrentiel de cette plateforme vous oblige à travailler pour une misère. Puis le formateur vous apporte des clients, bien évidemment sur cette plateforme. En gros, on commence par vous faire payer l’accès à un contenu souvent médiocre et disponible ailleurs gratuitement.
Puis, sous couvert de vous fournir vos premières commandes, on vous exploite gentiment. Vous écrirez avec grande application pour une bouchée de pain, ce que vos mandataires revendront ensuite bien plus cher. Certains n’hésitent pas à créer de faux comptes clients pour ne pas que vous les soupçonniez de se goinfrer sur votre dos. Comme tout est anonyme, c’est imparable.
Et si ça ne suffisait pas, la supercherie prend rapidement des airs de système pyramidal. En effet, beaucoup mettent en avant un genre de réseau d’anciens élèves, généralement sous la forme d’un groupe Facebook. S’y organise alors une bourse à l’article où les plus expérimentés sous-traitent auprès des petits nouveaux.
Un système bien huilé qui peut vite rapporter gros à ceux qui se trouvent en haut de la chaîne. Vous en revanche, vous risquez surtout de trimer pendant un bout de temps avant de pouvoir vraiment en vivre.
Ce que je viens de vous décrire n’est fort heureusement pas représentatif de l’ensemble du marché. Cependant, tout cela s’appuie sur différents témoignages. Je vous en ai présenté le plus effrayant afin vous mettre en garde contre ce qui se fait de pire, et qui semble bien plus répandu qu’on ne pourrait l’imaginer. Conscient que ces malheureuses expériences pourraient tout à fait être des cas isolés, j’ai décrypté trois formations qui me sont apparues au hasard de mes recherches.
C’est la compagnie low-cost pour l’apprenti rédacteur. Dès la première page de leur site internet, ça sent bon l’incompétence. Tout est décalé, mal agencé… Rien ne va. On est dans le site vitrine bricolé à la va-vite. Et pour ce qui est de l’offre, c’est à peine mieux. Pour la bagatelle de 180 euros, on vous propose une formation en 10 modules.
Un point positif tout de même puisqu’il semble y avoir des exercices pratique. Mais en lisant l’intitulé du module 6, « Trucs et astuces pour gagner du temps ; rédiger un article en moins de 30mn », on comprend à qui on a affaire. Les super tutos de Jojo les bons tuyaux : comment pondre en moins de deux des articles sans fond ni forme. Le pire, c’est que le référencement naturel n’est pas abordé, il faudra se payer une seconde formation.
Un comble quand on sait que le seul intérêt de ces formations c’est de prétendre au titre de rédacteur web SEO. Ça pourrait presque âtre amusant. Sauf qu’on parle d’une formation qui se targue d’exister depuis 2011 (le site a dû rester dans son jus depuis la création) et qui sort en 5e position lorsque vous cherchez « formation rédacteur web » sur Google. Vous n’êtes pas convaincu ?
En deuxième position, on retrouve la formation de David Gos. Ce dernier maîtrise parfaitement les codes du marketing bourrin décrit un peu plus haut. Tout y est. En arrivant sur la page de présentation, on nous invite à découvrir « l’histoire de Marie ».
Marie est ce qu’on appelle en marketing un « persona ». On vous raconte l’histoire de ce personnage fictif pour que vous puissiez vous y identifier. Donc Marie a une vie de merde (sous-entendu, comme vous), mais Marie change de vie grâce à la formation de David Gos.
Elle devient alors une mère de famille libre et épanouie. Marie vit dans des hôtels de luxe à l’étranger grâce aux incroyables revenus qu’elle tire des plateformes. C’est écrit mot pour mot, je n’invente rien. Mais attention, il ne reste que 2 places pour tester cette merveilleuse formation en avant-première pour seulement la moitié du prix.
Bref, quand on me prend pour un con en déployant de façon si grossière les pièges les plus lambda du marketing digital, je ne m’attarde même pas sur le contenu. On y trouvera de toute façon la même chose que d’habitude, à savoir rien de plus que ce qui existe déjà gratuitement ailleurs. Et le pire, c’est qu’ils osent appeler cette chose « La meilleure formation du monde ». Rien que ça.
Pour finir en beauté, passons maintenant à la formation de Lucie Rondelet. Super boulot en SEO pour celle qui sort en premier avec la requête « formation rédaction web ».
Cela dit, elle peut se le permettre, vu le prix de sa formation. Ne cherchez pas sur son site, ce n’est écrit nulle part. Il faut faire une demande d’information par mail. En même temps, avec un prix de départ à 1500 euros et une formule à 2500 euros, il y aurait de quoi en refroidir plus d’un.
Pour expliquer cette différence de prix, Lucie nous raconte « La différence majeure réside dans l’accompagnement (…) puisque chaque exercice est corrigé par mon équipe de coachs ». Donc en plus notre chère formatrice ne semble pas se tuer à la tâche. Là encore, je ne juge pas le contenu, surtout que ce dernier semble plutôt qualitatif. La présentation des modules est détaillée et les sujets abordés sont variés. Ça tient plutôt la route.
Mais il y a quand même des trucs qui clochent. Lorsqu’on jette un œil à la rubrique « garanties », Lucie vous promet qu’avec sa formation « Origami », celle à 2500 euros, vous réaliserez un chiffre d’affaires d’au moins 2000 euros la première année (voir GCV). Sinon, elle vous rembourse la formation. Vous payez 2500 euros une formation qui vous garantit de générer 160 euros par mois la première année. On nage en plein délire, non ?
Et à cela s’ajoute la vidéo de présentation où l’on voit madame la mine réjouit, assise sur la banquette de ce qu’on imagine être un café Balinais. Alors, coup de com’ pour prouver que le web rédacteur accompli passe sa vie sous le cocotier ? Ou bien doux mélange de je-m’en-foutisme et de mépris ?
Allez savoir. Quoi qu’il en soit, à 2500 euros la formation en ligne, il y a de quoi se la couler douce sur une plage.
Voilà un constat édifiant. Petit conseil pour un rédacteur web débutant : évitez de sortir votre portefeuille trop vite. Il existe sur la toile une incroyable quantité d’information et elle est très souvent gratuite.
Des sites comme textbroker.com proposent par exemple des formations de très bonne qualité. Certes, c’est dans leur intérêt, puisque vous utiliserez ensuite la plateforme pour offrir vos services sur lesquels ils prélèveront une commission. Mais c’est transparent et personne ne vous promet monts et merveilles.
Concernant les formations en rédaction web : réelle utilité ou arnaque ? Je vous laisse trancher.
Un commentaire ?